sábado, 15 de mayo de 2010

La "Nacho"

Lorsque l'on traverse l'avenue 26, cette grande "carrera" qui avale chaque jour des centaines de voitures dans des bouchons sans fin, on ne s'imagine pas vraiment ce qu'est l'université Nationale. Le nom nous évoque certes quelques images: un campus immense, une longue tradition de lutte sociale, une grande sélectivité à l'entrée, des étudiants souvent très mobilisés, des résultats qui rivalisent avec la meilleure université privée de Colombie, et la plus cher bien sûr, l'université de Los Andes.

Ce vendredi là j'arrive donc à l'entrée de l'université sans bien savoir ce qui m'y attend. Un ami et ex-étudiant de l'institution, m'a proposé de m'introduire à la traditionnelle nuit du vendredi, où les étudiants restent pour partager un bon moment. Devant l'entrée principale, des étudiants discutent, attendent le bus ou cherchent désesperement un Taxi. Ce que je ne sais pas en franchissant les portes du plus grand campus de Colombie, c'est que celui-ci n'accueille pas seulement une université de grande qualité, il y cache également un monde parallèle.




Alors que l'on se dirige vers la place centrale, je regarde, fascinée, des étudiants vendre des céreales au yahourt, des cakes végetariens, des dvd piratés et surtout, surtout, une panoplie de bouteilles d'alcohol impressionante. Aguardiente, Whisky, Vin, Rhum, bières...tout y est! Dans l'herbe, où les étudiants discutent, fument d'autres plantes, jouent de la guitare ou au foot, on zigzague entre les vendeurs qui empilent leur précieuses liqueurs en d'esthétiques pyramides.

Arrivés sur la place centrale, la place Che, comme les étudiants l'ont eux même nommé, la foule d'etudiants et de non-étudiants est impressionante. Un peu plus loin, on distingue un large attroupement autour d'un humouriste, un "clown de rue" comme celui-ci aime se présenter. On y reste 30mn, j'y rie hystériquement 29mn. Moi que jamais un clown n'avait su faire rire à Bogotá.

Partout, sur tous les bâtiments, s'exhibent des peintures murales et des graffitis. Tous sont politiques, tous sont de gauche, voir de l'extrême. Camilo, l'ami étudiant, nous explique que ceci est une longue tradition à la Nacho et que lui même, en son temps, allait peindre avec ses amis. Comment? L'exemple nous dépassera au pas de course quelques minutes plus tard. Alors que nous marchons pour rejoindre la faculté de droit nous nous retrouvons nez-à-nez avec un commando de 5 personnes cagoulées, les chaussures recouvertes de sacs en plastique et les mains pleines d'objets étranges. L'image aurait pu me choquer. Mais on sait déjà où va cette guérilla de peintres improvisés.

La Nacho, c'est une petite bulle d'anarchie. On y fait ce qu'on veut, mais on respecte les lieux. Les étudiants de la Nationale ont un attachement très fort à leur école. Peindre sur les murs parait être qu'une autre forme d'expression, une manière de rendre l'université vivante et bien à eux. Ici il n'est pas question d'irrespect: les sofas, les tables, le matériel est en très bon état, seuls les murs sont un espace de création permanente.

En passant par la cafeteria de la faculté de droit, Camilo nous dit: "c'est ici qu'est né le M-19, ici même!". Et en effet, le créateur du M-19, Camilo Torres, n'était rien d'autre qu'un professeur de la Nationale, ici, dans cette petite caféteria qui ne paie pas de mine, fut signé l'acte de naissance d'une guérilla d'intellectuels qui aura connu sont heure de gloire.

Mouvements sociaux, mouvements artistiques, la Nationale est un foyer de création, un petit laboratoire de rêves. Un monde surréel. Alors que l'on se dirige vers la sortie, Camilo me dit: "Il y a quelques années, sur la porte de sortie quelqu'un avait écrit: "Attention, monde réel de l'autre coté". Tout est dit.